lunes, 29 de junio de 2009

Maddof, El Ponzi del siglo

Bernard Madoff a été condamné ce lundi à 150 ans d'emprisonnement. Il mourra derrière les barreaux. «Ce n'est pas juste une question d'argent. La confiance a été totalement brisée», a déclaré le juge Denny Chin devant un Bernie Madoff sans émotion apparente. «Le crime de Bernard Madoff est incroyablement diabolique. Il a eu des conséquences humaines effrayantes», a poursuivi le juge, qui a rejeté tous les arguments de la défense. L'avocat de Madoff avait demandé de 12 à 20 ans, un peu de clémence, parce que son client de 71 ans s'était livré de lui-même.

L'ex-star de Wall Street, qui avait évité un procès en plaidant coupable, a demandé pardon à son frère, ses fils, sa femme, pour «l'héritage de honte» qu'il leur laisse, aux milliers d'investisseurs qu'il a reconnu avoir «trahis». Il s'est même retourné vers les victimes dans la salle du tribunal : «Je me retourne pour vous le dire en face : je suis désolé, mais je sais que cela ne changera rien pour vous.»«Comment excuser la trahison de milliers d'épargnants et d'investisseurs qui m'ont confié les économies de toute une vie ?», a poursuivi Bernard Madoff.

Les victimes, presque surprises d'entendre un verdict aussi sévère, celui qu'elles réclamaient, ont lancé quelques «oh» et applaudi. Au début de la séance, qui a duré à peine deux heures, sept d'entre elles s'étaient exprimées, éclatant parfois en sanglots, pour raconter comment Bernie Madoff avait brisé leur vie. «Ça servira de mise en garde aux futurs Madoff», s'est réjouie Leonore Chulpak, une victime présente dans la salle. Mais comme beaucoup d'autres, elle a rappelé que cela ne suffisait pas : «Maintenant, il faut retrouver notre argent.»

Mais comme l'a rappelé le juge, Madoff n'a presque rien révélé sur sa machination, pas plus ce lundi que pendant l'instruction. Veut-il épargner ses proches, ses complices ? Cherche-t-il à exagérer son propre «génie» manipulateur ? Son silence complique le travail titanesque des enquêteurs, qui n'ont à ce jour inculpé qu'une seule autre personne : son expert-comptable, David Friehling. Depuis six mois, ils cuisinent Frank DiPascali, son bras droit, et Annette Bongiorno, sa secrétaire. Mais ni sa femme, Ruth, qui a retiré 15 millions de dollars la veille de l'arrestation de son mari, ni ses fils, qui travaillaient dans son entreprise légale de trading au-dessus de la société parallèle, n'ont été inquiétés pour l'instant. Les deux hommes, qui se disent innocents, ne parlent plus à leur mère depuis six mois. Celle-ci, désormais paria à New York, a été privée vendredi dernier de tous ses biens (bijoux, fourrures, appartements) à part 2,5 millions de dollars en espèces. ce lundi, elle a dit se sentir «trahie» par les faits commis par son mari.

Complices, intermédiaires et «rabatteurs»

Personne ne croit évidemment à la thèse de l'arnaqueur solitaire qui aurait mené pendant vingt ans (même en vacances), sur plusieurs continents, une escroquerie estimée au vu de la «comptabilité» de la société jusqu'à 65 milliards de dollars, et dont Madoff lui-même a avoué n'avoir jamais réinvesti un seul cent. En réalité, les enquêteurs sont persuadés de la complicité d'intermédiaires, ces «rabatteurs» qui attiraient de nouveaux investisseurs pour générer le flux d'argent frais, dont Madoff avait constamment besoin (dans un montage de Ponzi, les anciens investisseurs sont rémunérés grâce à l'argent des nouveaux). L'investigation menée en parallèle par le département de justice, le liquidateur désigné, Irving Picard, et la SEC (Securities and Exchange Commission), le gendarme de la Bourse, est centrée sur une dizaine de fonds nourriciers (feeder funds) et les proches de Madoff. Des agents du FBI ont été dépêchés en Europe pour démêler l'écheveau mondial.

Selon les enquêteurs, les intermédiaires ne pouvaient ignorer la fraude, car les rendements étaient irréalistes. Surtout, leurs retraits ont été trop importants pour être honnêtes : 12 milliards de dollars ont été sortis de chez Madoff en 2008, dont 6 milliards dans les trois mois précédant la débâcle. Le liquidateur, Irving Picard, lui, n'a pour l'instant retrouvé que 1,2 milliard de dollars sur 13,2 milliards de pertes enregistrées officiellement par 1 341 détenteurs de compte.

La SEC, qui avait laissé passer la gigantesque escroquerie, a lancé son premier recours la semaine dernière contre le fonds Cohmad (Cohn-Madoff) qui louait des bureaux à l'escroc juste en face des siens. Deux philanthropes respectés sont également poursuivis : Stanley Chais et Jeffry Picower, rabatteurs à Hollywood et à Palm Beach (Floride). Les deux hommes auraient retiré 6 milliards de dollars de plus qu'ils n'ont investi et demandaient des rendements prédéfinis à Bernard Madoff. D'autres noms circulent : Frank Avellino, Robert Jaffe et son oncle Carl Shapiro, Noel Levine, Ezra Merkin à New York. Tous des financiers de haut vol. Pour l'instant, aucun n'a été inculpé. Tous clament leur innocence. Pour preuve, plutôt plausible, la perte de leur fortune personnelle. À moins qu'ils n'aient fermé les yeux tant qu'ils gagnaient de l'argent ? C'est leur niveau de responsabilité, entre aveuglement coupable et complicité active, que les enquêteurs cherchent à établir.

Le Français Tce lundiry de La Villehuchet était l'un de ces importants intermédiaires. Il rabattait têtes couronnées et grosses fortunes européennes. L'aristocrate à la réputation d'homme très intègre s'est suicidé le 23 décembre à New York. «C'était l'homme le plus honnête au monde, un véritable chevalier du Moyen Âge», se souvient Marie-Monique Steckel, directrice de l'Alliance française à New York et amie de longue date de l'investisseur défunt. Un livre fouillé de deux journalistes français revient en détail sur sa relation avec Bernard Madoff. Et surtout, n'en parlez à personne révèle que, malgré son admiration totale pour Madoff, La Villehuchet n'écartait pas la possibilité de fraude. Il pensait que ça pouvait être du front running, une forme de délit d'initié.

Chez beaucoup d'investisseurs spoliés, la colère ne désenfle pas. Même si Bernie est en prison pour la vie. Des centaines ont lancé des poursuites judiciaires contre des hedges funds et des gestionnaires de fonds pour défaut de due diligence (vérification des comptes de Madoff), avec cependant peu d'espoir de récupérer l'intégralité de leur mise. Plusieurs dizaines ont manifesté ce lundi dans un parc avoisinant le tribunal pour rappeler leur responsabilité aux autorités.

«Où est mon argent ? C'est tout ce que je veux savoir aujourd'hui !», s'emporte, toute tremblante, Phillys Moltchatsky, 62 ans. «C'est la maladie de Parkinson, confie-t-elle gênée. Elle s'est aggravée à cause de Madoff, j'ai perdu 1,7 million.» La sexagénaire fait partie d'un groupe qui a pris le pari d'attaquer la SEC pour négligence. Elle vient tout juste de voir sa plainte déboutée en première instance. Personne n'a jamais gagné contre la SEC. Helen Chaitman le sait. À 67 ans, elle a dû se remettre à travailler après avoir tout perdu chez Madoff. «Par chance», elle est avocate spécialiste en fraudes bancaires. Elle consacre donc toute son énergie à prouver avec 300 autres victimes la négligence de la SEC. «La SEC a conduit sept enquêtes sur Madoff en onze ans, avec vingt-sept personnes. Elle ne l'a pas seulement laissé opérer son schéma de Ponzi pendant vingt ans, elle l'a officiellement approuvé», rappelle-t-elle d'une voix posée, qui cache mal sa colère. Les premiers dédommagements ont commencé à tomber, mais ils sont plafonnés à 500 000 dollars. Certains investisseurs malchanceux ne verront jamais leur argent, d'autres devront même rembourser ce qu'ils ont gagné chez Madoff !

Une double vie pendant vingt ans

Maigre consolation : les actifs de l'ancien «magicien» de la finance, bateaux, possessions et maisons, dont le luxueux penthouse de Manhattan où vivait encore ces derniers jours son épouse. Leur confiscation, vendredi, représente 80 millions de dollars.

«Je pense que M. Madoff a dû récupérer une bonne partie des milliards de dollars retirés par ses intermédiaires. Le tout est d'espérer que les autorités seront capables de nous dire un jour où ils se trouvent» conclut Helen Chaitman.

Reste le mystère qui plane autour du talentueux M. Madoff : qui est donc cet homme obsédé par le contrôle, la propreté et le secret, qui n'a jamais révélé la moindre émotion face à ses victimes ? Les uns tombaient sous le charme comme La Villehuchet, les autres le trouvaient «banal et taciturne», comme Miriam Siegman, victime qui l'a croisé plusieurs fois dans des soirées mondaines. Pendant au moins vingt ans, il a mené une double vie, avec une société de trading moderne et efficace, et une autre, secrète, deux étages en dessous, chaotique et bizarre. C'est dans cette «zone interdite», sa «cage», comme il l'appelait, qu'il a organisé la plus grande escroquerie de l'histoire, se jouant de la cupidité et de la crédulité humaine.

«Il a toutes les caractéristiques d'un psychopathe», conclut le psychologue Stephen Greenspan, qui s'intéresse à l'incroyable arnaque depuis qu'il a appris par son broker, le 12 décembre, qu'il avait, lui, presque tout perdu, sans savoir qu'il avait investi chez Madoff !

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